J’ai été manager d’équipe.
Une période que j’aime à me rappeler pour ses enjeux techniques et l’enthousiasme des membres à y répondre. Notre mission était de tester des composants automobiles, qui étaient régulièrement insatisfaisants pour nos clients. L’objectif était clair: plus de plaintes clients sur les nouveaux modèles !
Pour l’équipe, dont moi, c’était simple mais dense: refaire les cahiers des charges et les processus de travail, créer de nouveaux tests pour couvrir des attentes des utilisateurs non prises en compte, proposer des règles de conception pour garantir la qualité.
Tout ingénieur qui me lit devinera la suite… Pour atteindre l’objectif, il fallait plus d’essais donc nous coûtions plus cher, et des conceptions plus rigoureuses donc avec un prix de revient plus élevé. Et c’est là qu’on tombe sur… les injonctions paradoxales faites au manager ! Faire de la qualité mais pas chère, faire des produits complexes mais vite, etc…
Le manager se trouve vite entre le marteau et l’enclume: son équipe, plutôt orientée « expertise technique », souhaite appliquer des méthodes un peu longues ou un peu coûteuse. Son chef, lui, va le juger sur la rapidité et le coût modéré.
Que peut-il faire, ce manager talentueux à qui on demande d’être un coach bienveillant pour ses équipes, tout en définissant les méthodes pour atteindre les objectifs ? Ce manager à qui on demande d’écouter, de savoir maintenir la motivation de ses équipes tout en ne pouvant pas appliquer leurs recommandations ?
Et ce manager, que pense-t-il, au fond de lui ? Lui demande-t-on son avis ? Le manager est-il managé par un chef qui se comporte en coach, qui l’écoute et qui le maintient motivé ?
On voit là qu’il est une charnière entre « le terrain » et « la direction », et que ses ressentis, ses besoins, ses émotions sont peu pris en compte. C’est exactement ce que j’ai vécu.
Une dimension supplémentaire s’ajoute à ce constat: la relation avec ses pairs. Dans le cas de la conception d’une automobile, il est nécessaire que les composants fonctionnent entre eux. Les préconisations de l’un pour la qualité de ce qui est de sa responsabilité doivent rester compatibles avec les préconisations des autres. Et voilà un joli terrain de différends techniques ! Non seulement le manager se retrouve à tenter une articulation entre ses collaborateurs et ses chefs, mais aussi à chercher des articulations avec les managers des autres équipes ! Cela aussi je l’ai vécu.
Autant vous dire que la qualité relationnelle n’était pas toujours au rendez-vous. Et que j’en ai été responsable autant que les autres, ne sachant parfois plus faire autrement que réagir par la tension face aux injonctions paradoxales !
C’est pourquoi aujourd’hui je défends une idée simple: la Qualité Relationnelle au Travail (comme la QVT ou la prévention des RPS) concerne tous les niveaux hiérarchiques, en « vertical » et en « horizontal ». A tous les niveaux, les personnes peuvent rencontrer des difficultés techniques qui se traduisent par des conflits au sens de la médiation professionnelle, des relations tellement dégradées que le dialogue devient inimaginable.
Les ateliers de qualité relationnelle, permettant à des groupes de personnes en difficulté de décider par elles-mêmes et librement de leurs modalités relationnelles et de l’organisation associée concernent toutes les strates hiérarchiques : un CODIR, un groupe de managers rattachés au même chef de service, une équipe projet (donc une équipe de personnes détachées sur un projet mais ayant des responsables différents), … Ils pourront ensuite plus aisément harmoniser les objectifs de chacun et leur cohérence, mettre de l’huile dans les rouages de ces articulations qui s’étaient grippées.
La Qualité des Relations au sein d’une entreprise est un enjeu essentiel pour la motivation des équipiers et ce qui va avec: la performance, la productivité, le présentéisme. Et cela se joue à tous les niveaux.
Je vais vous faire une confidence: sans la mise en place des outils de l’Ingénierie Relationnelle, qui permet de construire la qualité des relations au travail, aucun poste de manager ne pourrait me tenter aujourd’hui 😉