Faire confiance : une naïveté ?

« Tu fais trop confiance aux gens ». Quoi ? Faire confiance aux gens serait un défaut ?

Cette phrase est restée gravée dans ma mémoire, mais depuis que j’ai découvert lingénierie relationnelle, ma vision dessus a changé. Je vous raconte ?

Dans une vie professionnelle ancienne, un chef m’a dit « tu fais trop confiance aux gens ».  Il est vrai que, lorsqu’avec mes interlocuteurs on s’était mis d’accord sur un plan d’action, je ne surveillais pas au jour le jour s’ils avançaient au rythme prévu. Parce que je m’étais engagée à faire ma part, et qu’il me semblait logique que ce soit le cas des autres.

Faire confiance aux autres est-il un signe de naïveté, comme le pensait mon chef de l’époque ?

Une équipe ou un groupe, pour fonctionner avec efficacité, pour faire avancer son projet, a besoin de confiance. Lorsque la confiance en une des personnes s’effrite, c’est que la relation avec elle se dégrade. Elle a fait ou dit quelque chose qui me met sur mes gardes. Si cela se reproduit, ou s’aggrave, je peux glisser vers la méfiance, qui est propice à la création de climats conflictuels.

La confiance est donc indispensable mais… elle ne se décrète pas ! Elle se construit, et pour cela il est intéressante de se baser sur des méthodes de management contributif:  écouter les personnes, reconnaître leur légitimité, les impliquer dans les décisions prises. En l’occurrence, dans mon cas: ne pas se contenter de distribuer les actions à faire, mais avant tout s’assurer que chacun adhère, a les moyens et le temps de les réaliser, s’implique, …

Pourquoi ai-je pensé que les autres feraient comme moi ?

Attribuer des pensées aux autres, imaginer ce que pense ou va faire l’autre, nous le faisons tous les jours, et depuis toujours. Le plus souvent, on attribue ces pensées selon son propre référentiel, ce qui fait ses propres valeurs, ce qui a du sens pour soi. Si j’ai cru que mes collègues allaient respecter leurs engagements, c’est parce que je m’efforçais toujours de respecter les miens. Parce que je voyais notre activité comme une expérience collective qui avait besoin de chacun (comme les valeurs du rugby, allusion facile en cette période de coupe du monde).

Ce phénomène est courant: il nous est tous arrivé de ne pas comprendre la réaction d’une personne à un événement parce que nous n’aurions pas réagi pareil. Je vous propose un exemple: mon enfant, jeune adulte, vient de réussir son diplôme. Une amie me dit alors: « tu dois être bouleversée ! ». Et moi de penser : « non, je suis soulagée, ma mission de maman vient de prendre fin ». Mon amie m’a attribué une pensée qui n’est pas la mienne.

Ce phénomène est, pour les médiateurs professionnels, la confusion identitaire, et parfois, les mécanismes qui s’activent lorsqu’une personne en fait preuve peuvent amener à des incompréhensions, et ensuite… vous me voyez venir… des conflits !

Qu’aurait répondu un médiateur professionnel à mon chef ?

Je vous propose un dialogue qui n’a pas eu lieu:

  • en fait ce que tu dis c’est que toi, tu ne fais pas confiance aux gens. Peut-être tu as eu des expériences de personnes qui n’ont pas fait ce à quoi ils s’étaient engagés ?
  • Oui dans cette boîte, les gens ne respectent jamais leurs engagements
  • quand tu dis jamais, tu veux dire qu’il n’y a aucune exception
  • Si bien sûr, mais ça arrive trop souvent que les gens ne respectent pas les délais

Cette discussion, prolongée, aurait permis de le faire réfléchir aux conséquences pour lui du non-respect de leurs engagements par certaines personnes, à la façon dont il a obtenu ces engagements et à la façon dont il pourrait les obtenir dans l’avenir, etc…

Et ce type de dialogue aurait sans doute aussi aidé la jeune ingénieure que j’étais !

La confiance reste un élément essentiel de la cohésion d’équipe. Plutôt que de la craindre parce qu’elle présente des risques, on peut la construire avec les outils de l’ingénierie relationnelle et ainsi favoriser la qualité relationnelle au travail.