Médiation et conciliation, deux méthodes… différentes

Souvent on me demande la différence entre médiateur et conciliateur. Et si on prenait un exemple pour mieux illustrer le propos ?

Votre voisin Gédéon est un emmerdeur. Depuis des années, vous lui demandez de ne pas stocker les feuilles mortes en tas, parce que dans cette région il y a beaucoup de vent, et les feuilles s’envolent et atterrissent dans votre piscine. Vous êtes donc obligé de passer un temps infini à les ramasser, de les faire enlever par votre jardinier, qui en profite pour vous le faire payer. Franchement, on dirait que Gédéon se moque totalement des tracas que cela vous cause ! Peut-être même que ça l’amuse…

Vous envisagez donc d’aller en justice, faire valoir votre bon droit. Mais comme le litige concerne moins de 5000€, vous serez d’abord adressé à un conciliateur de justice. C’est-à-dire à une personne bénévole, qui est un auxiliaire de justice et dont le rôle sera de chercher un compromis entre vous.

Il va par exemple vous proposer de couvrir votre piscine, ce qui ne vous arrangera pas parce que les arrière-saisons sont douces et que vous voudriez en profiter pour vous baigner. Et puis zut, ce serait donner raison à Gédéon, non alors !

Il va proposer à Gédéon d’emmener ses feuilles à la déchetterie, ce qu’il va refuser, ce satané écolo. Il broie ses feuilles et les utilise pour protéger et nourrir son potager en hiver. Il en profite pour en rajouter prétendant qu’avec ma piscine je contribue au manque d’eau sur la planète, insinuant que le futur m’est bien égal.

A ce stade de l’histoire cher lecteur, tu vois bien poindre une difficulté: les deux personnages sont tellement braqués l’un envers l’autre que chercher un compromis, un terrain d’entente sur ce qui fait l’enjeu du différend est impossible.

Le conciliateur peut intervenir quand le différend est un litige, avec un enjeu clair mais pas trop pollué par des émotions négatives. Une situation dont les personnes veulent sortir, et sont encore accessibles à la discussion. Il convient de noter que le conciliateur n’a pas d’obligation à recevoir les parties, il peut rendre un avis sur dossier. On voit bien là le dimension technique, et pas la dimension émotionnelle.

Imaginons qu’un compromis soit trouvé: Gédéon va déménager son tas de feuilles de l’autre côté de sa maison, qui fera écran sous les vents dominants. Le narrateur sera satisfait, et pourra afficher une attitude de vainqueur. Mais il n’aura pas changé d’avis sur la personne même de Gédéon, et ne se privera pas de monter en épingle un autre « faux pas » de son voisin.

Quant à Gédéon, il pourra au choix ressentir de la frustration qui pourra se transformer en animosité si la narrateur fait la moindre chose qui lui soit désagréable; ou de l’autosatisfaction, se persuadant que c’est grâce à sa bonne volonté que le problème est résolu, que l’autre n’a pas fait beaucoup d’efforts et donc… gardant un beau potentiel d’adversité.

Si les émotions sont devenues plus fortes que l’enjeu de départ, si elles aveuglent le raisonnement, la conciliation ne suffira pas car elle ne traite pas ces émotions, mais seulement l’enjeu. La médiation professionnelle traitera en priorité ces émotions, pour les ramener à leur juste place, sans les nier. Leur juste place, c’est celle qui permet d’exercer sa liberté de réflexion, d’expression et de décision. Donc celle qui permet de recourir à la rationalité pour, en premier lieu, redéfinir la relation que vous souhaitez avoir. Après tout, lors de la fête des voisins, Gédéon s’était montré un convive plutôt sympathique et amusant, ce serait dommage de se faire la gueule lors de la prochaine. En y réfléchissant bien, votre souhait n’est pas de rompre toute relation avec lui. De son côté, vous n’avez aucune idée de ses désirs. Ce serait bien qu’il puisse les exprimer, au fond.

Une fois cette relation redéfinie, vous pourrez enfin trouver non pas un compromis mais une solution, que lui et vous trouvez bonne. Cette solution sera jugée satisfaisante, et appliquée sans que vous vous sentiez contraints, sans vainqueur ni vaincu, et sera par là même pérenne. Et au passage, vous prendrez conscience du fait que tout ça, ces soucis, ces arguties, ces tensions, c’est juste un problème de communication ! Vous n’avez pas su exprimer les tracas causés par ces feuilles dans la piscine d’une façon que Gédéon ne prenne pas pour une attaque. Et lui, il a surenchérit ! Et ainsi de suite…

Finalement, vous constatez que… vous avez tout intérêt à aller en médiation !